La portée politique de l'offensive dans la région de Koursk
19 août 2024La Russie a exclu lundi (19.08) toute négociation "à ce stade" avec l'Ukraine après l'offensive de l’armée ukrainienne dans la région russe de Koursk. Cette opération sans précédent dure depuis deux semaines déjà. Kiev assure qu’elle doit servir à forcer Vladimir Poutine à des négociations de paix "équitables".
Du côté de l’Union européenne, alliée de Kiev, les commentaires se font plutôt rares, en pleines vacances estivales. Tout comme au quartier général de l’Otan.
La prochaine réunion sur la guerre en Ukraine est prévue pour la fin du mois d’août, entre les ministres des Affaires étrangères et de la Défense des 27 États membres. En attendant, la Deutsche Welle a interrogé experts et politiciens sur la portée de cette offensive à Koursk.
Le rapporteur du Parlement européen sur la Russie, Andrius Kubilius, souligne ainsi la portée "politique" de cette opération. L’Ukraine a montré qu’elle était en mesure de prendre l’initiative, de placer le Kremlin dos au mur et de prouver aux alliés occidentaux que Moscou n’était pas prête à une escalade.
Pousser Vladimir Poutine dans les cordes
L'expert en sécurité Roland Freudenstein de Freedom Hub souligne que Kiev a réussi à "mettre la Russie et Vladimir Poutine personnellement sur la défensive".
Pour Amanda Paul, du groupe de réflexion European Policy Centre, basé à Bruxelles, il est certes encore trop tôt pour évaluer les résultats sur le champ de bataille, mais la "démarche courageuse et audacieuse" de Kiev a réussi à "surprendre Vladimir Poutine, à nuire à sa réputation et en même temps à renforcer le moral des troupes et des citoyens ukrainiens".
La position de l’Union européenne reste pour le moment inchangée. Les actions militaires de l’Ukraine doivent servir exclusivement à défendre la souveraineté et la sécurité du pays, comme l’a souligné un représentant officiel de l’UE lors d’une conversation informelle avec la DW.
Légitime défense
Officiellement, on peut noter que depuis l’offensive de Koursk, le chef de la diplomatie européenne, Josep Borell,a téléphoné au ministre ukrainien des Affaires étrangères, Dmytro Kuleba, pour lui rappeler le soutien de Bruxelles.
Un porte-parole de l’UE, Peter Stano, a estimé que l’Ukraine est autorisée à attaquer l’ennemi "là où elle le juge bon : à la fois sur son territoire et sur celui de l’ennemi" dans le cadre de son droit à l’autodéfense.
Ainsi, Bruxelles semble soutenir la version ukrainienne, selon laquelle, la Russie utilise les régions de Koursk et de Belgorod pour attaquer l’Ukraine, y compris les infrastructures civiles.
Selon le président ukrainien Volodymyr Zelensky, la région ukrainienne de Soumy, à la frontière russe, a été la cible ces derniers mois de près de 2000 attaques menées par l’armée russe depuis le territoire de Koursk. En d’autres termes, l’incursion à Koursk serait de la légitime défense.
Protéger les civils
Un porte-parole de la Commission européenne souligne néanmoins que les militaires ukrainiens sont responsables de la protection de la population civile. Toutes les précautions possibles doivent être prises pour minimiser l’impact des combats sur les civils. Bruxelles rappelle ainsi que l’Ukraine doit respecter le droit international humanitaire.
Pour le moment, le Commission explique n’avoir reçu "aucune information qui indiquerait le contraire" et se félicite de l’annonce d’un couloir humanitaire dans la zone d’opération.
Pour l’expert Roland Freudenstein, si l’Ukraine "essaie d’atteindre des objectifs militaires, les dommages civils sont presque inévitables. Mais ce que l’Ukraine ne fait pas, c’est de tirer des missiles sur des centres commerciaux. La Russie l’a fait à plusieurs reprises". Il note également que contrairement à la stratégie russe, l’armée ukrainienne ne s’attaque pas aux infrastructures énergétiques de Koursk, essentielles pour la population.