RCA: journée de vote sous haute tension
27 décembre 2020Les bureaux de vote ont ouvert dimanche en Centrafrique pour des élections présidentielle et législatives sous extrême tension. Deux tiers du pays sont toujours sous contrôle de groupes armés. Les derniers jours avant le vote étaient marqués par les menaces des rebelles contre le régime du Président sortant, Faustin Archange Touadéra. Dans une interview de la DW avec le chef de la mission onusienne Minusca, Mankeur Ndiaye a ouvertement accusé l'ancient président François Bozizé de semer la terreur, en connivence avec des groupes armés.
Retour sur le fond de la crise
Cela fait presque huit ans que la République centrafricaine est confrontée à la présence de groupes armés qui occupent les deux tiers du pays.
Les exactions de la Séléka
En effet, en 2013, le président en exercice François Bozizé est renversé le 24 mars 2013 par un coup d'Etat mené à l'époque par la coalition rebelle Séléka, dirigée par Michel Djotodia, une coalition rebelle à dominante musulmane.
À l'époque, la Séléka réclamait la redistribution ainsi que le partage des revenus issus de l'exploitation des matières premières. Les rebelles reprochaient également au pouvoir de Bozizé le non-respect des différents accords de paix signés entre les groupes d'opposition et son gouvernement.
Entre mars et décembre 2013 alors que la Séléka est au pouvoir, le régime commet des exactions. Le pouvoir de Michel Djotodia fait main basse sur les trafics d'or, de diamant et d'ivoire. Tout un système de pillage de l'économie du pays a ainsi été mis en œuvre par la Séléka.
Des affrontements aux conséquences terribles pour la population
De son côté, en exil où il se trouvait après sa chute, François Bozizé pouvait compter sur le soutien des milices antibalaka majoritairement chrétiennes et animistes. Les affrontements entre Séléka et Antibalaka ont forcé près du quart des 4,7 millions de Centrafricains à fuir leur domicile. Selon les Nations unies qui accusent les deux camps de crimes de guerre, entre 3000 et 6000 personnes ont perdu la vie entre 2013 et 2015.
En janvier 2014, Michel Djotodia a été son tour, contraint de démissionner. Catherine Samba Panza avait alors été choisie pour diriger la transition de janvier 2014 à mars 2016.
Un semblant d'accalmie avec Touadéra
Après plusieurs années de turbulence, la RCA connaît un semblant d’accalmie. En 2016, à l'issue du scrutin, Faustin Archange Touadéra arrive à la tête de l’Etat avec plusieurs voix d’avance contre Anicet Dologuélé. Pour rappel, Touadéra a été Premier ministre sous Bozizé dans les années 2000, porté par le parti Kwa na Kwa (KNK).
Dans un pays secoué par une guerre civile et les récurrentes actions des groupes armés, Faustin Archange Touadérasigne un accord de paix (le huitième) en février 2019 à Khartoum au Soudan avec 14 groupes rebelles de son pays.
Bozizé joue les agitateurs
C’est dans ce contexte évolutif et parsemé de crises à répétition, que l’ex-président François Bozizé, à la tête de la Coalition de l’Opposition Démocratique (COD 2020), a déposé sa candidature à la présidentielle au mois de novembre dernier. Il en a été de même pour Anicet Georges Dologuélé et Martin Ziguélé, tous deux anciens Premiers ministres de la République centrafricaine.
Le 19 décembre dernier, le gouvernement a accusé François Bozizé de "tentative de coup d’Etat". Il lui est reproché de recruter des groupes armés pour déstabiliser le pays et perturber les élections. Pour rappel, la candidature de l’ex-président a été invalidée en raison de sanctions des Nations Unies dont il fait l’objet.
Ce 23 décembre, la Minusca (la Mission des Nations Unies en Centrafrique) a fait savoir que la ville de Bambari, dont les rebelles de l'Unité pour la paix en Centrafrique (UPC) s’étaient emparé la veille, a été reprise, et ce à quelques jours des élections présidentielle et législatives.
Les élections maintenues, la Russie envoie des renforts
Ce samedi, la Cour constitutionnelle de Centrafrique a confirmé la tenue des élections ce jour (27 décembre 2020). De son côté, le Haut commissariat des Nations unies aux droits de l'homme s'est dit profondément alarmé par la violence en Centrafrique, qui présente de sérieux risques pour la sécurité des civils et l'exercice du droit de vote.
La Russie qui soutient le pouvoir en place a fait savoir qu’elle a envoyé 300 instructeurs militaires supplémentaires en Centrafrique.