En Syrie, les enquêteurs devant une "vaste scène de crime"
18 décembre 2024Les Nations unies parlent d'une "vaste scène de crime". La Syrie laissée par le dictateur Bachar al-Assad, a vécu pendant près de 14 années les horreurs de la guerre et la violence impitoyable du régime de Damas.
Il existe à Genève une cellule onusienne qui a le mandat d'aider à enquêter sur tous les crimes commis en Syrie depuis 2011. Il s'agit du MIII, le Mécanisme international, impartial et indépendant.
Le chef du MIII a écrit cette semaine aux nouvelles autorités de transition à Damas pour leur faire part de sa volonté de collaborer pour recueillir "des preuves susceptibles d'impliquer de hauts responsables de l'ancien gouvernement".
Ce mécanisme coopère étroitement avec la Commission d'enquête des Nations unies sur la Syrie, la COI.
Ses enquêteurs ont établi des listes secrètes de milliers d'auteurs de crimes graves. La COI veut se concentrer sur les principaux responsables d'atteintes aux droits de l'Homme, plutôt que sur - comme le dit la Commission - les "auteurs de moindre envergure". Quelque 4.000 noms figurent sur ces listes.
Condamnations à l'étranger
Ce travail d'enquête a déjà servi, avant même la chute du régime de Damas, à des juridictions nationales, comme en Allemagne ou en France, à poursuivre des criminels présumés dans le cadre de la compétence universelle lorsque les droits de l'Homme sont violés.
Une cinquantaine de condamnations ont déjà eu lieu.
Bachar al-Assad fut lui-même l'objet d'un mandat d'arrêt international émis par la justice française pour son rôle présumé dans des attaques chimiques en 2013. Si l'ex-président se rendait par exemple en Allemagne, il ne bénéficierait d'aucune immunité et devrait être arrêté.
Avec la chute du dictateur, pour le chef du MIII, "il y a maintenant la possibilité d'accéder à des preuves au plus haut niveau du régime".
L'Onu a documenté plus de 11.000 témoignages de Syriens : des témoins de violations, des victimes, des personnes détenues.
Enquêter sur place
Après des années d'enquête à distance, des atrocités racontées peuvent être confirmées, comme à travers l'ouverture des centres de détention du régime. Les images dans la prison de Saydnaya, en banlieue de Damas, ne laissent aucun doute sur le niveau de brutalité et le traitement inhumain dont ont été victimes les prisonniers du régime.
La COI insiste ainsi sur la préservation et la protection minutieuse de tous les dossiers, documents, et éléments de preuve, qui sont retrouvés. De ne rien déplacer, altérer ou toucher.
A côté des Nations unies, de nombreuses ONG rassemblent des preuves depuis des années.
Devant quelles juridictions ces preuves pourront effectivement servir reste très complexe.
La Syrie n'a pas ratifié son adhésion au Statut de Rome et à la Cour pénale internationale. Un tribunal spécial pourrait voir le jour. Le Conseil de sécurité de l'Onu pourrait convoquer un tel tribunal, comme il l'a fait en 1994 pour le génocide au Rwanda.
Encore faudrait-il réussir à mettre la main sur les accusés.
"Le droit international ne fixe pas de limites, mais il faut que la Syrie soit un partenaire de coopération", explique un expert en droit à nos confrères de la Tagesschau.
Le "juste châtiment" pour les criminels de guerre
En Syrie, les rebelles islamistes qui dominent la transition ont juré de châtier les responsables "des tortures contre le peuple" et comptent bientôt publier une liste noire de tortionnaires. Des dizaines de cadavres portant des traces de torture auraient été retrouvés près de Damas.
Le nouveau pouvoir appelle aussi les autres pays à remettre aux autorités syriennes les personnes recherchées pour qu'elles "puissent recevoir leur juste châtiment".
Le chef des rebelles a promis des récompenses à quiconque permettra la capture d'anciens responsables "impliqués dans des crimes de guerre", alors que l'amnistie aurait été accordée au personnel subalterne de l'armée et des forces de sécurité "dont les mains ne sont pas tachées du sang du peuple syrien".